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Consultation ponctuelle en cas de restructuration : pas d’obligation de consulter le CSE en amont sur les orientations stratégiques. Versement d’une prime annuelle prévue par des dispositions conventionnelles : appréciation stricte de la condition de présence par la Cour de cassation. Risque de nullité du licenciement : pour limiter la condamnation, l’employeur doit demander au juge d’examiner les autres motifs de licenciement invoqués.
Dans un arrêt du 21 septembre 2022 (n°20-23.660), la Cour de cassation tranche la question de l’articulation de la consultation du Comité Social et Economique (CSE) sur un projet ponctuel avec la consultation récurrente sur les orientations stratégiques.
Dans cette affaire, un organisme de gestion d’établissement catholique (OGEC) avait informé son CSE d’un projet de fermeture d’un lycée professionnel. Le CSE devait être par ailleurs consulté, quelques jours après, sur les orientations stratégiques. Or, l’instance conteste cette temporalité et saisit le Tribunal Judiciaire. Selon le CSE, la consultation sur le projet de fermeture du lycée aurait dû être précédée de la consultation sur les orientations stratégiques. Le Tribunal Judiciaire, puis la Cour d’appel de Paris, lui donnent raison. La consultation sur le projet de fermeture est suspendue jusqu’à la clôture de celle sur les orientations stratégiques.
La Cour de cassation censure cependant ce raisonnement, jugeant que la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise, ou en cas de restructuration et compression des effectifs, n’est pas subordonnée à la consultation préalable du CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise. Dans une note explicative, la Cour de cassation rappelle que la consultation sur les orientations stratégiques a été définie par le législateur de manière autonome des consultations ponctuelles. Elle diffère en effet de celles-ci par son objet – elle doit permettre une discussion prospective sur l’avenir général de l’entreprise, tandis que les consultations ponctuelles concernent un projet déterminé - et par sa temporalité - elle a lieu tous les ans sauf si un accord prévoit une autre périodicité, qui ne peut excéder trois ans.
Cette décision s’inscrit dans le prolongement d’un arrêt du 30 septembre 2009 (n°07-20.525) dont il résultait que la consultation du comité d’entreprise sur un projet de licenciement économique et la consultation sur l’évolution annuelle de emplois et des qualifications étaient autonomes.
Dans cette affaire, un salarié était employé en qualité d’opérateur qualifié de sûreté aéroportuaire. La relation de travail était régie par la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité et en particulier par les dispositions de l’annexe VIII de cette convention collective, laquelle prévoit en son article 2.5 le versement d’une prime annuelle de sûreté aéroportuaire.
Victime d’un accident du travail, le contrat de travail de ce salarié s’était trouvé suspendu à compter du 20 novembre 2014. N’ayant pas perçu la prime annuelle, il avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de rappel de primes pour les années 2015 et 2016 au cours desquelles son employeur avait estimé qu’il n’y était pas éligible compte tenu de la suspension de son contrat.
Les juges du fond donnent raison à l’employeur et déboutent le salarié de sa demande au motif que, n’ayant pas été effectivement présent dans l’entreprise au 31 octobre 2015 et 2016 du fait de son arrêt maladie, il ne pouvait percevoir cette prime.
Cette analyse est cependant censurée par la Cour de cassation dans un arrêt du 26 octobre 2022 (n°21-15.963). Elle juge en effet, par une application stricte des dispositions conventionnelles, que la condition de présence du salarié s’entend de la présence dans les effectifs de l’entreprise au 31 octobre de chaque année.
Cette interprétation, favorable au salarié, doit inciter les employeurs à faire preuve de précision dans la rédaction d’une clause contractuelle relative au paiement d’une prime. Celui qui entendrait exclure du bénéfice de la prime les salariés dont le contrat est suspendu devra veiller à préciser que le règlement de la prime est conditionné à la présence effective continue dans l’entreprise.
En cas de nullité du licenciement, le barème prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail, relatif au licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne trouve pas à s’appliquer.
L’employeur qui, dans la lettre de licenciement, s’est prévalu de plusieurs motifs pour rompre le contrat, peut cependant demander au juge d’examiner l’ensemble des griefs invoqués afin de limiter le montant des dommages-intérêts pour licenciement nul, comme les dispositions de l’article L. 1235-2-1 du code du travail lui en offrent la possibilité. Cette demande doit toutefois être expressément formulée auprès des juges du fond, comme l’a récemment jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 19 octobre 2022 (n°21-15.533).
Dans cette affaire, une salariée, employée comme assistante dentaire, avait formé une demande de résiliation judiciaire. Un mois plus tard, son employeur l’avait licenciée pour motif personnel. La lettre de licenciement visait plusieurs manquements et faisait notamment référence à l’action prud’homale introduite par la salariée peu de temps auparavant. Pour cette raison, le licenciement est jugé nul en raison d’une atteinte à une liberté fondamentale de la salariée. La cour d’appel accorde à cette dernière 16 mois de salaire à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, le plafond de 10,5 mois de salaire prévu pour une ancienneté de 11 ans n’étant pas applicable du fait de la nullité du licenciement. Devant les juges du fond, l’employeur n’avait pas critiqué la somme demandée par la salariée.
Il se pourvoit en cassation et reproche à la cour d’appel, sur le fondement de l’article L. 1235-2-1, ne pas avoir tenu compte des autres griefs visés par la lettre de licenciement pour déterminer le montant des dommages-intérêts alloués à la salariée.
La décision de la Cour de cassation est claire : les dispositions de l’article L. 1235-2-1 offrent à l’employeur un moyen de défense au fond qui doit être soumis au débat contradictoire. Par conséquent, les juges n’examinent ce moyen qu’à condition que l’employeur le leur demande – ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce.
Lorsque cette demande est formulée par l’employeur, les juges du fond tiennent compte des autres motifs invoqués dans la lettre de licenciement pour évaluer l’indemnité à allouer au salarié, qui ne peut cependant être inférieure à six mois de salaire.
Il convient donc de garder à l’esprit que, lorsqu’il existe un risque de nullité et lorsque la lettre de rupture fait état de plusieurs motifs de licenciement, l’employeur doit demander à la juridiction, à titre subsidiaire, de tenir compte des autres griefs invoqués pour limiter le montant des dommages-intérêts pour licenciement nul qui pourraient être alloués.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation rappelle par ailleurs qu’en cas de nullité du licenciement, l’employeur ne peut être condamné à rembourser les allocations chômage à Pôle Emploi que dans les cas mentionnés à l’article L.1235-4 du code du travail.
Authored by Alexandra Tuil and Hélène de Nazelle.